Le rêve éveillé de Bianca Bondi

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Un voyage spirituel vers nos sens.

« L'œuvre a été conçue comme un espace permettant à l'esprit de s'évader ou même simplement de pouvoir profiter de l'expérience visuelle, auditive et olfactive. Il y a tellement de choses à voir, de détails, et également dans la manière dont le monde extérieur peut impacter l'œuvre. J'ai vu la pluie tomber dans les flaques, j'ai vu la plume de l'oiseau descendre du ciel avant de se poser délicatement sur l'eau, il y a aussi de magnifiques moments où le vent souffle à travers la végétation ou fait onduler la surface de l'eau. »

 

Bianca Bondi
 

Bianca Bondi, The Daydream, 2021, Fondation Louis Vuitton, Paris © Adagp, Paris, 2021 © Fondation Louis Vuitton / Marc Domage

 

Dans le cadre du huitième Open Space Programme, la Fondation Louis Vuitton accueille l'installation multimédia The Daydream de l'artiste contemporaine Bianca Bondi (Née à Johannesburg, Afrique du Sud, 1986, vit et travaille à Paris).

 

L'installation est un jardin secret qui regorge de sens cachés. Les visiteurs sont invités à la découvrir jusqu'au 24 janvier 2022.

 

Derrière ce projet se trouvent Ludovic Delalande et Claire Staebler (Conservateurs) ; Jenn Hutt (Composition sonore) ; Tara Msellati (Composition Florale); Yann Vasnier (Composition ambiance olfactive).

 

 

Comment décririez-vous votre installation ?

 

J'ai toujours aimé l'idée d'une œuvre d'art possédant différentes strates, qui dépasserait les souhaits de l'artiste, une forme de perte de contrôle ; ce qui explique mon intérêt pour l'éphémère et le transitoire. L'étang salé, le nuage floral qui descend vers l'eau, les murs violets brumeux ; dans The Daydream chaque élément physique de l'œuvre fait partie du tout, mais l'aspect le plus essentiel de l'œuvre, lui, est intangible.

 

The Daydream, preparatory sketch, 2021 by Bianca Bondi

 

Tout ça est le fruit d'une collaboration. J'étais notamment très excitée à l'idée de travailler pour la première fois sur l'aspect floral aux côtés de Tara Marsellati. C'est une experte dans son domaine, donc nous avons pu réfléchir sur les plantes dont nous disposions pour créer les effets que je recherchais. Elle a ensuite usé de sa magie pour les réaliser. C'était important pour moi de n'utiliser que de vraies plantes.

 

The Daydream est une installation qui abrite une sculpture, une sculpture qui évoque une cascade d'étangs ou une création organique en forme de champignon abritant des flaques qui changent subtilement de couleur. L'évaporation et la circulation de l'air sont des facteurs importants qui encouragent la transition de ces étangs de pétales d'un état liquide à un état solide. The Daydream est une sculpture présentée au sein d'un espace champêtre ; nous y rencontrons des hortensias, de fines fougères, et un arc-en-ciel d'amarantes, d'eucalyptus et de feuilles semblables à des algues tombantes. Ce jardin est une scène d'intérieur mais vous pourrez y ressentir une brise.

 

 

The Daydream c'est une bande son diffusée en boucle, parfois accompagnée par le bruit lointain de l'eau ou le cri d'un oiseau. C'est une série de vibrations, le son d'une guitare et l'effet d'ondulation ; mais, parfois, The Daydream est presque muet.

 

The Daydream est une odeur minérale, terreuse, légèrement mentholée, elle invite à respirer profondément, à ralentir. C'est aussi votre présence, The Daydream est tournée vers l'avenir et le souvenir que vous aurez d'avoir fait partie de cet espace.

 

Bianca Bondi - Photographie de Valentin le Cron

 

 

Pourquoi l'avoir appelée The Daydream ?

 

Ce titre est né naturellement au fil de mon travail, de mes centres d'intérêt. The Daydream fait suite à mon exposition intitulée « The Faint House of Yes », présentée dans le cadre du Voyage à Nantes l'été dernier. C'est le nom d'un des espaces créés à l'occasion ; l'exposition était conçue comme un temple où le spectateur pouvait flâner entre les cinq pièces. Chaque pièce était associée à un élément tel que le sel, l'eau, les herbes aromatiques, rappelant une pièce dans un foyer mais aussi un besoin essentiel. La Salle de Lumière, aussi appelée The Daydream, est la seule pièce que j'ai choisie d'ouvrir à la lumière naturelle. Je l'ai conçue comme une pièce dédiée au repos, à la communication avec d'autres mondes ; au centre de cette pièce, haute de 4 mètres, parée de rideaux cristallisés, se trouvait un lit rond de 2,3 mètres de diamètre au milieu duquel se trouve une large boule de cristal qui évoque l'attraction gravitationnelle des planètes dans l'espace.

 

Nous passons la majeure partie de notre existence à améliorer notre « vie éveillée » alors que la moitié de nos vies est passée à dormir. Il existe une étape de transition, de rêve éveillé, la science appelle ce phénomène Hypnagogie, un moment de semi-conscience dans lequel des rêves lucides peuvent survenir. Ces moments d'inconscience ont un incroyable pouvoir encore inexploré. J'ai voulu continuer mon exploration du concept de rêve éveillé, qui généralement voudrait dire laisser libre cours à son esprit, mais aussi en poussant le sujet plus loin que ce que j'avais fait dans « Faint House of Yes », qui était une ode au rêve éveillé. Pour cette nouvelle installation je dirais qu'il y a trois principales étapes à développer : le rêve éveillé dans son sens traditionnel, une perte de contrôle à travers l'Hypnagogie, ou, en allant plus loin : un voyage guidé par la pratique ancienne de la divination, une main tendue vers un voyage astral.

  

Bianca Bondi, The Daydream, 2021, Fondation Louis Vuitton, Paris © Adagp, Paris, 2021 © Fondation Louis Vuitton / Marc Domage

 

Pouvez-vous nous dire quand la dimension olfactive est apparue dans votre pratique artistique ? Quand est-ce que les odeurs ont intégré votre processus de création ? Comptez vous, à l'avenir, continuer à explorer cet aspect ?

 

Ironiquement, l'odeur a toujours accompagné mes œuvres mais davantage par hasard, de par la nature des éléments avec lesquels je travaille, tels que l'eau salée ou des métaux qui s'oxydent, des plantes, la glycérine… c'était une nouveauté tellement excitante de pouvoir collaborer avec Yann (Yann Vasnier, parfumeur ndlr) qui a cette expertise de pouvoir créer des senteurs qui pourraient être utilisées comme déclencheurs.

 

Pour The Daydream, il a créé une odeur avec environ 20 éléments différents, inspirés par le concept de l'œuvre (la composition olfactive avec des notes de cyprès, sauge, basilic, menthe, bergamote, oliban et de la molécule d'Ocimene ndlr). Il a choisi spécialement ces odeurs qui ouvriraient le Chakra bleu, l'odeur qui a le potentiel d'être à la fois thérapeutique et nourricière. Ce Chakra est lié à la gorge et représente donc la communication ; la couleur bleue étant associée au calme, tout est une question d'expression et de vérité. Quand il est ouvert, nous pouvons transmettre notre vérité de manière claire et efficace.

 

Yann a créé de nombreuses versions avec lesquelles je pourrais travailler dans les bassins d'eau salée, en allant donc au-delà de la composition olfactive mais aussi pour une meilleure présence chimique au sein de l'œuvre d'art. L'odeur est dans l'eau…

 

 

Image de couverture : Bianca Bondi, The Daydream, 2021, Fondation Louis Vuitton, Paris © Adagp, Paris, 2021 © Fondation Louis Vuitton / Marc Domage