France, 2016 : un bon cru pour l’art contemporain et les artistes issus du continent africain ?

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Les événements culturels mettant en avant le continent africain ne manquent pas dans la capitale parisienne. Après une première édition annulée du fait des événements survenus l'an dernier à Paris, la 1ère édition de la foire d’art contemporain et de design AKAA — Also Know As Africa — se tient du 11 novembre au 13 novembre au Carreau du Temple.

Dans un pays marqué par les sublimes expositions qu'ont été “Les Magiciens de la Terre” (1989) et “Africa Remix” (2005), et alors que l’on s’interrogeait sur les « regards [à porter] sur la scène artistique émergente en Afrique ? » lors de la dernière édition de YIA Art Fair, l’actualité semble marquer une ère nouvelle.


Siaka Soppo Traoré, La Pose, 2014. Courtesy Siaka Soppo Traoré.
 

L'art africain est aujourd'hui omniprésent en France : l'actualité a en effet vu les nominations des artistes Kader Attia (Algérie), Yto Barrada (Maroc) et Barthélémy Toguo (Cameroun) pour le Prix Marcel Duchamp — remporté par le premier cité ; l’artiste nigériane Njideka Akunyili Crosby consacrée lauréate du Prix Canson ; la première exposition personnelle « Lamentation » de Kehinde Wiley au Petit Palais ; Dineo Seshee Bopape (Afrique du Sud) présentait Untitled (Of Occult Instability) [Feelings] l’été dernier au Palais de Tokyo; la rétrospective du photographe Seydou Keïta au Grand Palais mettait en lumière son œuvre magistrale; sans oublier le succès de Beauté Congo (2015) à la Fondation Cartier…


HAPPENING

Kader Attia, Intifada: The Endless Rhizomes of Revolution, 2016. © Axel Schneider. Photo Courtesy Kader Attia.


Mais les discours sur l’Afrique et ses artistes diffèrent selon le lieu où sont organisés les événements : la portée d’une exposition comme « Africa Remix » ne pourrait pas être la même à Tokyo, Berlin ou encore New-York. Le contexte est donc primordial, la foire d’art contemporain africain 1:54 ( Londres, New-York) n’utilise pas le même langage que la foire AKAA, chacune s’appuyant sur des codes internationaux mais s’inscrivant dans un hiatus spatio-temporel différent, qu’elles redéfinissent.

D'autre part, présenter des artistes africains — même à des prix raisonnables —, ne suffit pas au succès. Ainsi lorsque la maison de vente Piasa organisait une vente dédiée à l’art contemporain africain et de la diaspora le 9 juin 2016, la seconde du type, seuls 53 lots, soit 51 % du total ont trouvé preneur. Les pièces vendues n'ayant que très rarement dépassé leurs estimations basses, la session avait généré 440.000 €. A cette occasion des pièces de Mahi Binebine suivi de Yinka Shonibare et de Nnenna Okore avait été cédées pour plus de 25.000 €. Le 29 novembre la maison de ventes récidive avec la troisième vente du type.

Mais la multiplication des espaces d’exposition et de ventes contribue inévitablement à une promotion pérenne des artistes issus du continent africain et des diasporas, auprès des collectionneurs d’une part et d’un plus large public d’autre part.
 


Des enjeux esthétiques de l’art contemporain vers sa réinvention en Afrique.

Par définition, l’art contemporain désigne l’art qui englobe toutes les œuvres produites depuis 1945, année marquant la fin de la Seconde Guerre mondiale. A cette époque une grande partie des pays africains étaient sous domination coloniale : la temporalité de la définition ne s’adapte-elle pas qu’à l’Occident ?

L’auteur Felwine Sarr évoque une « occidentalisation de l’Afrique » continuelle et ce depuis l’époque de la colonisation, pour dépeindre un « homme africain contemporain déchiré entre une tradition qu’il ne connaît plus vraiment et une modernité qui lui est tombée dessus comme une force de destruction et de déshumanisation ». C’est au sein même de cette dualité sensible que s'expriment les artistes du continent.

Les Sapeurs de Baudoin Mouanda, les récits d’un Congo colonial de Sammy Baloji, les portraits graphiques d’Evans Mbugua, les installations de Kader Attia, les peintures de Julie Mehretu — pour n'en citer que quelques uns —,  composent un ensemble qui converge vers un certain réenchantement des perspectives de la scène internationale de l’art contemporain, sur laquelle ces artistes ont été si longtemps oubliés…



Badouin Mouanda, extrait de la série Les Sapeurs. Courtesy Mariane Ibrahim Gallery.


L’Afrique — comme d'autres continents — présente une large diversité de cultures, d’histoires et de civilisations. Cette pluralité fait sauter la bannière rigide de l’ « art contemporain africain », affichant une effervescence exceptionnelle soutenue par Internet et les réseaux sociaux, qui offrent de manière frontale, une autre perception des œuvres des artistes issus du continent et des diasporas.

La question de la représentation des artistes hors et sur le continent se pose alors. Depuis Paris, la France et l’Europe, quelle est la perception des différentes dynamiques qui émergent et sont loin de promouvoir une scène dite « émergente » ?

Les Biennales de Dakar et de Marrakech séduisent et attirent toujours plus d’amateurs internationaux, tandis que la Biennale de Kampala (Uganda) sort un peu plus de l’ombre avec sa deuxième édition en 2016.

A l’instar de ART x Lagos – dont la 1ère édition s’est tenue novembre 2016 – qui crée des ponts entre l’art contemporain et la culture populaire, les schémas classico-classiques sur le continent se doivent peut-être de repenser et de réinventer des modèles de représentation des artistes qui seraient au plus près des réalités africaines.

L’artiste issu du continent africain se dégage d’une mêlée de stéréotypes et d’idées reçues pour se hisser tant bien que mal dans le débat universel de l’art contemporain, le laissant libre de s’inspirer de ses origines ou non dans un « système de l’art » qui se décloisonne.